Et si je vous disais que votre position pour aller à la selle n’est pas physiologique ?

D’ailleurs, comment faisions-nous avant l’invention des toilettes « modernes » ?

Petite histoire de notre position aux toilettes
Les toilettes comme nous les connaissons aujourd’hui, sont issues des chaises percées qu’utilisaient la noblesse puis la bourgeoisie. En Grèce, il existait déjà des pierres percées en 2500 avant notre ère. Et en 700 avant J.C, à Rome, les toilettes publiques peuvent recevoir jusqu’à 80 personnes. Dans ces latrines, les hommes se retrouvent pour négocier ou faire du commerce…

Pendant des siècles, la plupart des Français ont fait leurs besoins accroupis, dans un champ ou au-dessus d’une fosse. Ce n’est que dans les années 1770 que les toilettes comme nous les connaissons vont apparaître. Elles ont été inventées par un Anglais, Alexander Cummings. Celles-ci arriveront en France au cours du XIXème siècle. Il s’agit donc d’une installation très récente dans nos foyers.

Les toilettes dites « turques » qui ont équipé nos toilettes publiques jusque récemment, quant à elles auraient été inventées vers le XIIème siècle. En Turquie, celles-ci sont appelées toilettes grecques. Et les grecs les appellent des toilettes bulgares… En fait, personne ne veut en accepter la paternité et pourtant, elles proposent une alternative à cette position assise non physiologique !

Quel est le problème de notre position assise aux toilettes ?

Le rectum et le canal anal constituent le segment terminal du tube digestif ; c’est par là que sont évacués nos excréments et nos gaz. Évacuation que nous pouvons contrôler, grâce à un double sphincter (anneau musculaire) qui assure la continence anale. Ce double sphincter n’est pas fait pour s’ouvrir en position debout et son ouverture n’est pas optimale lorsque nous sommes assis. Dans la position assise, un coude se forme au niveau de la sortie, ralentissant la progression des selles. Cette position n’est donc pas adaptée à la vidange. En effet, le muscle pubo-rectal enlace le sphincter ; il est contracté afin d’assurer la continence anale. Le virage formé alors au niveau du sphincter bloque et freine la progression des selles vers la sortie.

Pour aller à la selle avec votre position assise habituelle, il est souvent nécessaire de pousser très fort et cela peut conduire à différentes pathologies comme les hémorroïdes (veines hémorroïdaires qui saillent en périphérie de l’anus et provoquent des saignements). Mais aussi des fissures anales, diverticules, descente d’organes (prolapsus génital) notamment chez les femmes enceintes ou après un accouchement car elles peuvent avoir un périnée plus relâché (d’où l’importance de la rééducation périnéale !).

Sans oublier la stagnation des selles dans le côlon car le rectum n’est jamais complètement vidé ; la constipation est, ainsi, largement favorisée par cette posture assise.

Si vous cherchez un traitement naturel pour soulager votre constipation, pensez donc en premier lieu à réfléchir à votre position à la selle.

Un médecin israélien, Dov Sikirov, en 2003 a réalisé une étude publiée montrant que la position accroupie diminue significativement le temps nécessaire à la défécation et améliore la sensation de vidange complète du rectum, comparée à la position assise normale (41-42 cm de hauteur) ou la position assise sur des toilettes basses (31-32 cm de hauteur).

En 2010, une étude américaine a évalué, avec des rayons X, la position dite « du penseur de Rodin » (où le torse est penché et s’appuie sur les cuisses) et a conclu qu’elle ouvre effectivement l’angle ano-rectal davantage et permet plus souvent une vidange complète du rectum.

Enfin, en 2016, une étude japonaise a conclu que la position accroupie favorisait l’alignement du rectum et de l’anus et réduisait la pression à l’intérieur de ces deux organes lors de la défécation.

En pratique, comment faire ?

Pour celles et ceux qui voudraient essayer la position accroupie sans investir dans des toilettes à la turque ou aller se soulager dans les bois, quelles solutions existent ?

La meilleure solution est l’utilisation d’un petit tabouret stable pour surélever ses pieds en restant assis sur les toilettes, ce qui réduit l’angle entre les cuisses et le ventre.
Il est également possible d’adopter la position du penseur de Rodin en amenant ses coudes sur ses genoux mais cette position n’est pas optimale.
Attention, il pourrait sembler une bonne idée de s’accroupir sur les toilettes (les pieds posés sur le rebord de la cuvette), mais les risques de chutes sont importants et les toilettes ne sont pas conçues pour supporter le poids d’une personne.

Respiration et conseils pour vous aider à mieux aller à la selle

Tout d’abord, il est important de prendre votre temps, ne soyez pas trop pressés d’évacuer votre selle. Prenez le temps de vous détendre afin de relâcher les muscles pelviens dont l’action permanente est justement d’empêcher toute fuite de matière ou de gaz. Il est également primordial d’avoir une respiration continue et optimale sur les toilettes. Evitez de bloquer votre respiration car l’augmentation importante de la pression abdominale peut entraîner les problèmes que nous avons évoqués.

Si cette position ne suffit pas à déclencher l’expulsion, vous pouvez essayer la technique du piston recommandée pour les femmes enceintes qui souffrent souvent de constipation.

Le diaphragme est le muscle principal de la respiration, il agit comme un piston pour aider à l’évacuation des selles. À l’inspiration, il descend et à l’expiration, il remonte.

Exercice de respiration pour aider aux toilettes
Inspirer profondément par le nez tout en maintenant le ventre rentré pour diriger la pression au niveau du rectum. Attendre 5 secondes et prendre conscience qu’une pression s’exerce au niveau de l’anus.
Expirer complètement par la bouche tout en gardant les muscles du plancher pelvien bien détendus. Vous pouvez également souffler dans votre poing fermé en contractant les muscles profonds de l’abdomen (les transverses)
Répéter le processus 5 à 8 fois au besoin.
Il est très important de ne pas bloquer la respiration et de ne pas forcer ou pousser de façon significative. Cette technique doit être réalisée seulement si vous êtes resté 5-10 minutes assis calmement sans pousser et qu’aucune selle n’est sortie et que vous ressentez une présence de selles au niveau du rectum. Assurez-vous que vos muscles du plancher pelvien soient toujours détendus et que la pression s’exerce au niveau de l’anus et non au niveau de la vessie. Faire 4-5 essais au maximum.

Si aucune selle n’est sortie, allez marcher, bouger, buvez un grand café et revenez plus tard lorsque l’envie se fera sentir de nouveau.

Comment aider votre enfant à faire ses selles ?
Si votre enfant commence à faire ses premiers pas vous l’avez peut-être déjà vu s’arrêter net, faire un squat avec le regard vide et repartir quelques secondes plus tard la mine réjouie et une odeur flottant dans son sillage. Le fait de s’accroupir pour faire une selle est inné pour lui. Il y a aussi des enfants qui, lors de l’acquisition de la propreté, acceptent de faire leurs selles sur le pot mais n’y parviennent pas sur les toilettes.

Vous avez déjà compris que la position assise avec les jambes à 90° n’est pas optimale pour les adultes. Mais alors que penser des enfants dont les pieds ne touchent même pas le sol quand ils sont assis sur ces toilettes d’adultes ? C’est encore pire !

Laisser à disposition un marchepied suffisamment haut me semble être une évidence afin qu’il puisse se hisser tout seul sur le siège et puisse adopter peu ou prou cette position accroupie. Si vous observez vos enfants sur le pot, vous verrez que, d’instinct, ils se penchent en avant et souvent se tortillent vers la droite afin d’aider inconsciemment le passage des selles.

En conclusion
Vous l’aurez compris, si vous souffrez de constipation ou si vous avez une impression d’inachevé après votre passage aux toilettes, il est temps d’adopter la position physiologique accroupie.

Pour cela pensez à vous aider d’une marche stable et n’oubliez pas que la poussée lors des selles doit rester minime afin d’éviter les problèmes d’hémorroïdes, prolapsus, fissures anales. Et afin de réduire cette pression abdominale pensez à opter pour la méthode du piston.

Références :

https://www.kinatex.com/cliniques/beauport/education-et-conseils/adoptez-vous-la-meilleure-position-aux-toilettes/

Le charme discret de l’intestin, giulia enders

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1757-5672.2009.00057.x

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12870773

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2 Responses

  1. Bonjour,
    Merci pour cet article intéressant qui résume bien toutes les conditions nécessaires à une bonne évacuation des selles en temps normal, mais en cas de constipation, je pense qu’on devrait d’abord, revoir l’alimentation, non?

    • En effet il peut sembler évident que l’alimentation soit la base du problème cependant les patient.e.s qui souffrent de constipation chronique ont déjà travaillé sur leur alimentation et leur hydratation. Je voulais par cet article proposer un autre axe pour traiter ce problème.

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